Dans un communiqué du 15 février 2022 faisant suite à des arrêts rendus le même jours, la Cour de cassation vient préciser la notion de partie civile en matière d’attentats dans les affaires de l’attentat de Nice et de celui de Marseille.
Dans ces trois affaires, la Haute juridiction avait à se prononcer sur la qualité de partie civile civile de :
- la personne ayant poursuivi le camion engagé sur la promenade des Anglais afin d’en neutraliser le conducteur et qui avait subi un traumatisme psychique grave,
- celle qui, ayant entendu des cris et des coups de feu, s’était blessé en sautant sur la plage, alors qu’elle se trouvait sur la promenade des Anglais, au-delà du point d’arrêt du camion, ainsi que
- celle qui ayant tenté de maîtriser le terroriste qui poignardait une femme sur le pavie de la gare Saint-Charles et qui souffrait d’un traumatisme psychique important.
Dans trois arrêts en date du 15 février 2022, la Haute juridiction répond à cette question par l’affirmative et casse les arrêts rendus par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris laquelle avait confirmé les ordonnances d’irrecevabilité de leur constitution de partie civile respectives et les déclare recevables.
Pour rejeter les constitutions de partie civile, et s’appuyant sur l’article 2 du code de procédure pénale selon lequel l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction, la chambre de l’instruction avait considéré que seule la qualité de victime indirecte pouvait être invoquée dans ces affaires puisque selon elle, le traumatisme subi par les intéressés n’était pas la conséquence directe d’une tentative d’assassinat dont ils auraient été l’objet mais du spectacle, d’une extrême violence, des assassinats en train de se commettre.
La Cour de cassation rappelle quant à elle dans ces trois arrêts de cassation qu’il résulte des articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale que, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elles s’appuient permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.
La Haute juridiction précise concernant la première affaire qu’il ressort des circonstances retenues par la chambre de l’instruction que l’action dans laquelle la personne ayant poursuivi le camion s’était engagée pour interrompre la commission ou empêcher le renouvellement d’atteintes intentionnelles graves aux personnes, auquel elle s’était ainsi elle-même exposée, était indissociable de ces infractions, de sorte que le préjudice pouvant en résulter pour elle était en relation direct avec ces dernières. (Cass .crim., 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.264)
Concernant la seconde affaire, l’arrêt de cassation précise que les circonstances retenues par la chambre de l’instruction, desquelles il ressort que la victime s’est blessée en tentant de fuir le lieu d’une action criminelle ayant pour objet de tuer indistinctement un grand nombre de personnes, à laquelle, du fait de sa proximité, elle a pu légitimement se croire exposée, initiative indissociable de l’action criminelle qui l’a déterminée, suffisent à caractériser la possibilité du préjudice allégué de la relation directe de celui-ci avec les assassinats et tentatives, objet de l’information. ( Cass. Crim. 15 février 2022, pourvoi n° 21-80.265)
La troisième affaire concernant l’attentat de Marseille posait moins de difficulté dans l’analyse puisqu’il ressortait d’évidence de l’analyse de la chambre de l’instruction que l’action dans laquelle la courageuse victime s’était engagée pour interrompre la commission ou empêcher le renouvellement d’atteintes intentionnelles graves aux personnes, auxquelles elle s’est ainsi elle-même exposée, était indissociable de ces infractions, de sorte que le préjudice pouvant en résulter pour elle était en relation directe avec ces dernières. (Cass. crim., 15 février 2022, pourvoi n°21-80.670)
Ainsi qu’elle le précise dans son communiqué, la Cour de cassation décide d’adopter une conception élargie de la notion de victime pouvant se constituer partie civile devant le juge d’instruction. Cette conception élargie inclut :
- les individus qui se sont exposés à des atteintes graves à la personne et ont subi un dommage en cherchant à interrompre un attentat, leur intervention étant considéré comme indissociable de l’acte terroriste ;
- les individus qui, se croyant légitimement exposés, se blessent en fuyant un lieu proche d’un attentat, leur fuite étant considérée comme indissociable de l’acte terroriste.